• Scrutin bricolé, parfum de fraudes

    02 décembre 2011 - LE VIF

    Violences meurtrières, bureaux de vote fictifs, bourrages d'urnes... Les élections ont bien eu lieu au Congo, mais leur déroulement reflète le délitement de l'Etat et ouvre la porte à toutes les contestations.

    © DAI KUROKAWA/IMAGE GLOBE

    Scrutin « tenu globalement dans de bonnes conditions », selon la commission électorale congolaise. « Organisation chaotique » et « suspicion de fraudes massives », répliquent des candidats à la présidence et des observateurs nationaux et internationaux. Les élections en RDC ont bien eu lieu, mais elles ont été émaillées de violences meurtrières, de désordres et d'incidents techniques qui ouvrent la porte à toutes les contestations. « On peut parler d'une élection de très faible niveau, reflet du délitement de l'Etat congolais », estime Florent Geel, directeur du bureau Afrique de la Fédération internationale des droits de l'homme (FIDH). « La désorganisation avait une ampleur inquiétante, poursuit-il. Nos observateurs ont signalé de très nombreuses irrégularités : bourrages d'urnes, bulletins pré-remplis, bureaux de vote fictifs... »

    De là à envisager l'invalidation des élections, il y un pas que la communauté internationale ne se risquera pas à franchir. Pas question, en effet, de laisser le pays sombrer dans un nouveau cycle de violence, pour cause de vide du pouvoir. Voilà sans doute pourquoi Roger Meece, le représentant spécial de l'ONU pour la RDC, s'est dit satisfait du « déroulement pacifique et ordonné du scrutin ». Des propos qui ont surpris bon nombre d'observateurs. « Ces déclarations sont en total décalage avec la réalité, assure Marc-André Lagrange, chercheur à l'International Crisis Group, déjà présent en RDC lors des élections de 2006. Des émeutes ont éclaté, des bureaux de vote ont été attaqués, des bulletins ont circulé sur les marchés de Kinshasa... En termes de standards internationaux, ce scrutin est en net recul par rapport à celui d'il y a cinq ans. »

    Un scrutin crédible ?

    Le directeur Afrique du FIDH, lui, reconnaît que la flambée de violence n'a pas atteint, jusqu'ici, les sommets redoutés. Mais il déplore « une élection bricolée et des fraudes sur tout le territoire qui décrédibilisent le scrutin ». Dans plusieurs provinces de l'est du pays, des observateurs ont été chassés de bureaux de vote au moment du dépouillement. A Kinshasa, des bulletins déjà cochés au nom de Kabila auraient été découverts dans l'une des voitures du gouverneur de la ville. A Kananga, chef-lieu du Kasaï occidental, des bureaux de vote ont été incendiés. Selon la FIDH, plus de 130 bureaux de vote fictifs - inexistants ou placés dans des résidences de candidats - ont été signalés dans cette ville. A Mbuji-Mayi, capitale du Kasaï oriental, un couple qui transportait des bulletins en faveur du président sortant a été lynché par la foule. En Equateur, des électeurs ont saisi de grandes quantités de bulletins pré-remplis. A Lubumbashi, l'attaque de bureaux de vote par un groupe d'indépendantistes katangais a fait 5 morts...

    Certains diplomates mettent ces « dysfonctionnements » sur le compte de l'improvisation et de l'incompétence. D'autres observateurs dénoncent une manipulation massive et délibérée du pouvoir. Reste à voir si les Congolais, épuisés par deux guerres et minés par la misère - les deux tiers de la population vivent en dessous du seuil de pauvreté -, seront tentés par l'épreuve de force.

    OLIVIER ROGEAU

    Source : 02 décembre 2011 - LE VIF


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